CE QUE LES FRANÇAIS NE COMPRENNENT PAS DE LA CATALOGNE Gentil Puig-Moreno, Barcelone, Janvier 2013

Publié le par Gentil Puig Moreno

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CE QUE LES FRANÇAIS NE COMPRENNENT PAS DE LA CATALOGNE


Gentil Puig-Moreno, Barcelone, Janvier 2013

 


A propos de ce qui se passe en Catalogne et après une lecture attentive pendant les derniers mois de 2012, d’une partie de la presse française, je crois avoir repéré certains points d’incompréhension fondamentale (pour ne pas dire totale) de certains commentateurs français.

 

J’énumère rapidement ces points et je ne pourrai que les survoler car certains sont assez compliqués à formuler et encore davantage à élucider: région et nation; autonomie et indépendance; fédéralisme et jacobinisme; crise économique et financement des autonomies; solidarité et repli identitaire; identité historique et langue catalane.

 

 Les Français utilisent souvent le concept de région, là où Catalans et autres Anglo-saxons utilisent celui de nation. Pas de doute que la conception jacobine de nation en exclue toute autre qui voudrait le prétendre, que ce soit la Corse ou la Bretagne. Il s’agit d’une impasse. Pour comprendre la Catalogne il faudrait pouvoir abandonner la vision franco-française. Mais est-ce vraiment possible ?

 

Par contre l’Etat espagnol, issu de la transition démocratique de 1978-1980, est organisé en autonomies. Le gouvernement de la Catalogne possède de nombreux pouvoirs, sauf les pouvoirs régaliens (frontières, armée, affaires étrangères, impôts). Précisément, le refus du gouvernement central de droite d’une dernière concertation fiscale a provoqué la révolte des Catalans qui réclament désormais leur indépendance. C’est le résultat d’une longue injustice et non pas d’une quelconque “insolidarité”.

 

Après d’énormes incompréhensions et de graves manquements le fédéralisme des autonomies ne semble plus être la solution car l’Etat central l’a vidé de son contenu initial. Il est devenu de plus en plus difficile d’être fédéraliste dans un Etat ou seuls les Catalans et les Basques l’étaient. Un combat entre fédéralistes et centralistes que les citoyens français ne connaissent pas, car en France il n’existe qu’un seul Etat centralisateur et jacobin depuis 1793. A propos de l’Etat français et de la gauche, Michel Rocard écrivait en 1977 qu’il existait deux cultures de gauche, une jacobine, étatiste et protectionniste et l’autre, décentralisatrice, régionaliste refusant les dominations étatiques. Depuis nous savons celle qui finit toujours par s’imposer. La décentralisation n’a été qu’un ersatz de régionalisation européenne.

 

La crise économique, qui est souvent évoquée par la presse internationale, n’est pas non plus la cause centrale de la demande d’autodétermination et d’indépendance des Catalans, si bien elle peut en être un accélérateur. Les raisons sont bien plus profondes et historiques, et en celà, les citoyens du reste de l’Etat espagnol ont montré une ignorance comparable à celle des français. Le déficit du financement de l’autonomie catalane a été finalement le déclencheur du mécontentement car l’injustice est devenue insupportable au point que la Catalogne reçoit moins de l’Etat que l’Andalousie et l’Extramadoure, sous le prétexte que la Catalogne est riche. Les autoroutes du pourtour de Madrid sont gratuites alors que celles de Barcelone sont payantes, et ainsi de suite.

 

Un autre argument fallacieux utilisé parfois par la presse de droite comme de gauche concerne le soi-disant manque de solidarité des Catalans envers le reste de l’Etat. Précisons que sous la franquisme la Catalogne a accueilli des immigrés provenant de sud péninsulaire, et plus récemment du monde entier. La Catalogne a toujours été plus que solidaire. Et c’est l’Etat central qui décide des mécanismes de rééquilibrage des autonomies, et non pas la Catalogne. Il n’y a pas non plus, en Catalogne de repli identitaire, mais bien une intégration réussie des migrants, que la France pourrait envier. La Catalogne n’a pas peur de la mondialisation ni de l’interculturalité.

 

Les Catalans ont clairement conscience de leur identité et de leur langue, car le catalan comme toutes les langues romanes a mille ans d’histoire derrière elle. De plus, son système scolaire permet à tous les enfants de connaitre deux langues à partir de 4 ans, et de maitriser plusieurs langues à la fin de la scolarité. Une garantie et une force que d’autres grands pays voisins pourraient lui envier.

 

2014 sera le rendez-vous des Ecossais et des Catalans avec le droit à décider de leur avenir.

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